Nicolas Campagne nous secoue de rires émus dans “Seul(s) au monde”. Critique et interview.
Posté par Aurélie Brunet
On le sait, la Comédie des 3 Bornes fourmille d’artistes talentueux en tous genres. Cette fois, c’est Nicolas Campagne qui nous embarque, tous sourires, dans un univers coloré et burlesque, peuplé de loosers magnifiques. Un spectacle intimiste, ultra-dynamique et touchant. Aussi déjanté que maitrisé !
Un spectacle chaleureux sur un rythme effréné
Non, nos zygomatiques ne se sont pas encore remises. Véritable couteau-suisse créatif, on découvre un Nicolas Campagne très candide ou véritable As de la crétinerie ? Entre les deux, notre cœur balance mais notre rire est total. La lumière s’allume et l’artiste nous embarque pour un voyage survolté, dans les tréfonds de la loose attitude. Se mêlent joyeusement un tripier belge se prenant pour 007, un globe-trotter de l’amour, une CPE décomplexée chez les jésuites, un prédicateur américain en transe (dont on aimerait bien piquer le micro !) et un clown mentaliste dépressif bossant à la SNCF. Les personnages sont plus subtils qu’il n’en paraît. Un message plus tendre et sérieux se dessine pour chaque spectateur. Une certaine tolérance de la différence, du monde de l’autre, des convictions de chacun, de la faiblesse de notre voisin…Le temps passe extrêmement vite, on aimerait revoir plusieurs fois ce spectacle qui détonne. Les sketchs attachants de l’artiste font mouche dans un univers proche de la Bande Dessinée, qui rappellera à certains l’ambiance énergique des spectacles d’étudiants, à d’autres la présence comique d’un Dany Boon. À noter des interludes potaches dans le noir, entre chaque numéro. Un pari réussi, qui aurait pu faire retomber l’ambiance. Mais non, à chaque sketch sa couleur, son message et son audace… Nicolas Campagn est un artiste complet, qui maîtrise parfaitement l’accent belge et les tripes. Et que vivent les chamallows !
Auteur & artiste : Nicolas Campagne
Curieux et sous le charme scénique de ce comédien, auteur, clown, belge, tripier (!), prédicateur, représentant des loosers en tous genres…Nous avons souhaité en savoir plus. Nicolas Campagne a accepté de répondre à nos questions.
Nicolas, est-ce ton premier spectacle ? Est-ce que tu fais du théâtre depuis longtemps ?
“Seul(s) Au Monde” est mon premier seul en scène ! J’ai commencé par l’improvisation théâtrale il y a une quinzaine d’années et que je pratique encore sous toutes ses formes : matchs, cabarets, catchs. Je me suis ensuite tourné vers le clown, le mime en faisant différentes formations.
Aujourd’hui, je suis comédien à plein temps mais sous beaucoup de formes différentes : tournages, spectacle de clown mais également du théâtre forum au sein d’associations ou d’entreprise.
La “belgattitude”, est-ce un gros travail de composition ?
Je ne suis pas du tout Belge ! Mais j’ai joué de nombreuses fois avec des Belges.
J’apprécie leur folie et le fait de ne pas se prendre au sérieux, contrairement à nous. Ça m’amusait beaucoup de composer ce personnage à la fois maladroit mais qui croit en lui et que j’adore. Il aurait pu être d’une autre nationalité mais c’est tombé sur les belges !
J’ai essayé de pas être trop caricatural dans l’accent ou les références pour que l’on puisse croire dans ce personnage, voir ressentir un peu d’empathie.
Comment as-tu écrit ton spectacle ? En combien de temps ?
Une très longue gestation ! J’ai mis plusieurs années à me décider de faire un spectacle seul et autant à l’écrire.
J’en avais très envie et le déclic est venu lorsque je me suis arraché les ligaments du genou droit pendant un match d’impro en Suisse en faisant un… chien !
Au delà d’avoir noué un partenariat sur le long terme avec un kiné, je suis resté chez moi pendant deux mois avec mes béquilles. J’ai donc commencé à écrire et à jouer mes sketchs devant ma compagne, Ingrid Gasparini, prof de théâtre et donc ma toute première collaboratrice artistique à qui je dois énormément !
Par ailleurs, je connaissais Tristan Lucas par ma ligue d’impro et j’avais joué sous sa direction pour un pilote d’émission télé. Il préparait son one-man-show, j’avais envie de faire le mien. Paf, on a travaillé ensemble à l’époque et c’est lui qui m’a dit : prends une date t’auras plus le choix ! C’est ce que j’ai fait. Aujourd’hui nous avons d’autres projets ensemble mais je ne saurai que trop vous conseiller d’aller voir son spectacle “En Douce” à la Comédie des 3 Bornes. Nous avons deux univers vraiment différents, il fait du stand-up et moi des sketchs mais son spectacle est à mourir de rire. En résumé le lundi à 21h30, c’est Tristan et le mardi à 21 h 30, c’est moi. Ce qui s’appelle un bon début de semaine.
Penses-tu que nous sommes tous en quelque sorte “seuls au monde” ?
Il y a l’anecdotique : on a tous des gros moments de « loose » où on se sent seul au monde.
Attendre tout seul derrière le rideau d’entrer en scène.
Et puis, il y a la vision plus large : la place de l’homme dans l’univers, sa vacuité, Dieu, Terence Malick… Pas mal de questions à se poser !
Bref, j’ai flingué l’ambiance…
Tes personnages nous font voyager dans des univers atypiques, très variés et attachants. Où puises-tu ton inspiration ?
Dans la vie de tous les jours, j’adore observer les gens ! On est tous parfois très cons (moi le premier) et ça me passionne.
Parfois, je me dis qu’on joue tous un jeu, « la Comédie de la Vie » en quelque sorte.
Et puis, je suis un fondu de cinéma ce qui explique certains personnages et les intermèdes sonores du spectacle qui sont « auditivement cinématographiques » !
Pourquoi la SNCF pour le clown triste ? C’est un mix qui fonctionne très bien !
Mon père a travaillé toute la vie à la SNCF et moi de nombreuses années lors de mes études (vacances et week-end). Je suis allé tout petit au Noel de la SNCF et je ne me souviens d’un énorme sapin et des cadeaux. J’ai hérité d’un attachement très fort pour cette entreprise et pour le service public en général (bien mis à mal ces derniers temps…). Placer Thierry le Clown dans cet univers est un hommage !
Parmi tes 5 personnages, lequel préfères-tu jouer ?
Question difficile ! Ça varie beaucoup au cours des représentations.
J’aime évidement tous mes personnages mais parfois je suis plus en phase avec l’un ou l’autre et parfois c’est le public. “Ne Se Prononce pas” donc !
Comment est-ce que ton spectacle est accueilli par le public à La Comédie des 3 Bornes ?
Je suis parti dans l’inconnu quand j’ai commencé. Je pensais faire 5 ou 6 représentations et j’arrive finalement à la 50ième dans quelques dates ! J’ai la chance d’avoir pas mal d’amis ! Les critiques et retours sont très bons, j’ai participé récemment à un festival d’humour et suis reparti avec le prix du jury. Doucement, le bouche à oreille commence à fonctionner. Après, sans couverture médiatique d’aucune sorte, je passe un temps infini à faire de la communication autour du spectacle. J’invite tous les lecteurs à venir !
En ce qui concerne la Comédie des 3 bornes, je m’estime très chanceux de jouer dans ce théâtre. Toute l’équipe m’a super bien accueilli à l’époque et ils sont toujours arrangeants en cas de pépins.
Je vais vous raconter une anecdote antérieure à La Comédie des 3 bornes : lors de ma toute première, j’ai eu des douleurs très forte au ventre durant toute la semaine précèdent cette première. J’ai naturellement attribué ça au trac. Le lendemain de la première, je me suis levé en me pensant « guéri ». Et bien non ! Je suis allé aux urgences et j’ai passé la journée avec du spasfon en intra veineuse à Lariboisière. Je suis pas un mec qui somatise, non, vraiment pas !
Informations pratiques : Le spectacle “Seul(s) au monde” se joue tous les mardis à 21h30 jusqu’au mardi 13 juin 2017 à La Comédie des 3 Bornes, 32 Rue des 3 Bornes dans le onzième arrondissement de Paris.
Cet article a été publié pour la première fois le 30/03/2017 dans le webzine LaCritiquerie.