“Le livre inouvert” de Geoffrey Lopez nous emmène en voyage dans une intime introspection aussi belle que douloureuse
Posté par Aurélie Brunet
C’est à l’Espace Beaujon que nous avons découvert “Le livre inouvert”, la nouvelle création de la Compagnie “Les Mains du Marionnettiste”. Une alchimie de poésie et de gravité intelligente, qui nous a estomaqués. Un moment tendre-acide à partir du 13 février au Théâtre du Funambule Montmartre. Chronique et rencontre.
“Non mais franchement ! Elle n’est pas à tomber par terre cette nuit ! Regarde ! C’est merveilleux, en plus il pleut !”
Du héro de ce conte moderne, auréolé de mystère et dissonances, sort une voix puissante à la Edouard Baer. Un dandy comique tourmenté à la Beigbeder dans son Best-seller “L’Amour dure trois ans”. “Je suis un malheureux qui vous aime d’amour” cite, cynique à souhait le héro, d’après Victor Hugo dans “Ruy Blas”. Au départ on aimerait gifler ce gougeât antipathique, mais comme le bon vin cet anti-héro s’apprécie avec le temps. Séduire sa jeune partenaire de théâtre passionnée de Shakespeare, n’est-il qu’un jeu ? Le jeune homme cache ses émotions sous le vernis de ses plus beaux mots. Une pirouette et il contrôle le tour de la conversation. Petit à petit, dans cette anti-comédie romantique acide et poétique, les corps se rapprochent et les mains se caressent. La jeune femme souriante voit au-delà des apparences. ELLE aime déjà ses lèvres et toutes ses fêlures. ELLE le décode amoureusement. Auprès de cet amour impossible, LUI apprend à être lui même. Laisser percer de lumière colorées sa carapace digne des bunkers les plus imposants des plages normandes.
“Je ne suis pas et ne serais jamais un putain de papillon !”
On adore le concept des livres inouverts. Tous ces mots que l’on ne dit pas par gêne, le revers de nos sentiments masqués. Ce tourbillon de pensées jamais sorties, perdues à jamais, se niche dans un livre inouvert. C’est rare qu’un homme parle autant d’amour, expose ses sentiments les plus cachés. “Suis-je digne d’être aimé ?” se demande le tourmenté à travers les mots de Geoffrey Lopez. Dans ce conte moderne et profond, les citations célèbres et la musique classique chatouillent nos oreilles. Intelligemment, la légèreté et la joie de vivre portés par la jeune femme solaire, contrebalancent les moments les plus sombres. La scène des SMS est savoureuse. Les sons soignés habillent ce match de tennis amoureux intense, où la belle répartie rapporte plus de points qu’un baiser. La jeune femme fait un trou dans les barbelés de l’esprit de son Don Juan meurtri. Ils se chamaillent doucement. Et bientôt elle arrive à faire battre son cœur et son âme en symbiose. Et l’extraordinaire se produit. Le final explosif révèle la faille géante du héro. “ELLE n’est pas réelle. C’est une construction de LUI pour se rassurer et se raccrocher à la vie.” explique Geoffrey Lopez.
Auteur : Geoffrey Lopez
Artistes : Marie Darlet, Geoffrey Lopez
Metteur en scène : Geoffrey Lopez
Sons : Clément Naline, Geoffrey Lopez, Nathan Stibbe, Thomas Gauci
Assistance artistique : Rémi de Monvel et Antoine Fichaux
Compagnie Les Mains du Marionnettiste sur Facebook : Les Mains du Marionnettiste
Durée : 80 minutes.
Crédit photo : Océane Decourty (@PIXYArtiste)
Informations pratiques : “Le Livre Inouvert” se joue au Théâtre du Funambule Montmartre du 13 Février au 4 Avril 2017. Lundi à 21H et Mardi à 19H30. Relâche le lundi 27 Février. 53 rue des saules dans le 18ième arrondissement de Paris. Un joli théâtre refait à neuf il y a quelques mois.
Ce spectacle a fortement aiguisé notre curiosité. Geoffrey Lopez a généreusement accepté de répondre à nos questions. Interview.
Bonjour Geoffrey, on sent le vécu dans votre pièce. Est-ce un personnage autobiographique ?
Effectivement, on ne peut pas faire plus autobiographique. Une chose assez amusante d’ailleurs, c’est que j’ai écrit à partir d’un rêve, sur des choses que je vivais, et toute une partie de la pièce s’est réalisée plus tard. Donc la pièce a été de plus en plus autobiographique !
Peut-on dire que le personnage principal souffre de schizophrénie ? Est-ce une maladie que vous connaissez bien ?
Je m’intéresse à la psychanalyse, mais je ne connais cette maladie qu’à travers quelques recherches. Je ne saurais pas vraiment dire ce dont souffre le personnage principal. J’ai lancé des pistes, sans vouloir mettre de nom sur ce qui le caractérise.
Quelles ont été vos inspirations lors de l’écriture de cette pièce ?
Le rêve dont j’ai parlé évidemment, mon expérience personnelle, mes proches. Et pour rythmer l’écriture, j’ai écouté “La sonate au clair de lune” de Beethoven en boucle.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?
Je n’aime pas me forcer à écrire, j’attends donc à chaque fois un besoin irrépressible. J’avais besoin d’écrire sur tout ça évidemment, mais le besoin d’écrire dépasse la question des thèmes. Il arrive souvent que je me rende compte après de certains fils de pensées. J’écris sans étude, en me laissant porter.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?
Oui j’écris une pièce intitulée “Le Club des Suicidés”, et je viens de terminer une pièce à un personnage pour un ami qui se déroule durant la seconde guerre mondiale.
Comment vous sentez-vous à la fin de chaque représentation ?
Complètement vidé et apaisé. C’est une pièce qui me fait beaucoup de bien.
Quels retours avez-vous du public ?
Les retours sont plutôt bons ! J’étais assez anxieux lors de notre première à Levallois, mais le public a vraiment suivi toute la pièce et était très présent.
Une anecdote ?
Comme je disais juste avant, c’est une pièce qui m’apaise. J’en sors serein et le sourire aux lèvres. Le soir de notre première nous avions joué devant beaucoup de proches. Nous étions très attendus avec Marie. Nous sortons donc, heureux. Et quand les portes s’ouvrent, nous découvrons toute une foule, la larme à l’œil, c’était vraiment désarmant et très touchant.
Cet article a été publié le 11/02/2017 dans le webzine LaCritiquerie.