Votre nouvel ouvrage Un bébé pour tout changer explore l’écologie en famille. Ce concept ne serait-il pas susceptible d’ajouter une frustration supplémentaire dans un quotidien rendu difficile par la crise ?
L’écologie ne mène pas forcément à la frustration, mais plutôt à une reprise de contrôle vers la liberté, l’amour, la coopération, le bonheur et le bien-être. Alors même que notre modèle de société tend à être violent. C’est vrai que les individus sont sous pression, dans un rapport de force où l’égo et la réussite sont fortement valorisés. Les egos sont surdimensionnés, d’autant plus avec l’essor des réseaux sociaux. Il va falloir tout changer afin de renverser les structures dominantes. C’est à nous d’opérer cette évolution. Et forcément ça fait peur !
Comment ne pas perdre patience face aux injonctions ?
“Il faut arrêter la viande, moins consommer, apporter du sens au travail…” La pression des “y a qu’à-faut qu’on” a de quoi nous écraser au quotidien. Pour ne pas perdre patience, c’est important de prendre le temps d’observer, savourer et partager le changement.
En tant que journaliste et auteur de livres, ma mission est d’accompagner les individus en les informant, afin qu’ils soient à même de bien choisir leurs combats. Depuis quelques années, on arrive à donner des clés, des méthodes visant à les aider à amorcer une transition écologique, étape par étape.
Plus efficace que la transition écologique avec bébé : renoncer à la parentalité. Est-ce un véritable choix écologique selon vous ?
C’est un choix radical qui se tient d’un point de vue comptable à l’échelle collective. Mais baisser la pression démographique ne suffit pas. Ce serait un échec si la population mondiale baisse, sans pour autant changer ses habitudes de consommation. De plus, c’est un discours un peu inaudible car toute espèce vivante est naturellement tournée vers la procréation. C’est dans notre ADN !
L’ambition de votre livre est de donner l’impulsion aux futurs parents d’agir face à l’urgence écologique. En quoi la parentalité est-elle le levier idéal vers la transition écologique d’une famille ?
Outre des témoignages de citoyens, mon nouveau livre comprend des avis d’experts et de chercheurs, qui ont effectivement tendance à affirmer que la parentalité est un accélérateur vers la transition écologique. En devenant parent, on passe à l’âge adulte, avec la responsabilité d’un être complètement dépendant de nous. Devenir parent vient renforcer nos instincts les plus basiques de protection et d’empathie. C’est la première fois que l’on se projette avec bonheur dans un avenir où l’on ne sera plus là. Car ce bout de moi qui sera après moi, j’y porte un intérêt incommensurable !
Selon vous, avoir un enfant peut-il être bon pour la planète, aujourd’hui et dans le futur ?
Oui car l’on se demande : quel est l’air que cet enfant va respirer ? Que va-t-il toucher ou manger ? Dans notre monde agressif de tous les excès, que va-t-il vivre en tant qu’être-humain ? Notre premier réflexe est de le protéger. En cela, l’écologie est l’allié de cet enfant. Portés par notre intelligence collective, nous sommes tous très informés. La parentalité implique un questionnement profond. Comment peut-on profiter des avancées technologiques et en même temps être suffisamment éclairé et intelligent pour vivre ensemble, dans la bienveillance et de manière durable ?
Que répondez-vous à ceux qui vous disent que l’écologie avec un bébé, c’est trop cher et complexe ? Tout le monde n’est pas prêt à se lancer dans les couches lavables…
Les couches lavables, c’est souvent l’exemple qui est cité mais il ne faut pas caricaturer. La transition écologique avec bébé touche plein d’autres sujets évoqués dans le livre. J’ai moi-même dû arrêter les couches lavables pour mon deuxième garçon. Des couches jetables sont d’ailleurs plus durables ! Il faut faire attention au combat de trop. Parfois, juste être parent, ça suffit. Mais la parentalité reste une période fertile pour mener sa transition écologique.
Selon plusieurs experts à qui nous avons parlé, il faut commencer par concentrer ses efforts sur les sujets majeurs pour la bonne santé de l’enfant. En lien direct avec la transition écologique, ce sont l’alimentation, le sommeil, le mobilier, la qualité de l’air… En tant que parents, il faut choisir ses combats.
En quoi le rôle de la pédagogie est-il majeur dans l’alimentation de l’enfant ?
Si l’on se penche sur la diversification alimentaire, qui commence entre 4 et 6 mois, c’est un processus extrêmement rapide et important pour l’avenir et l’enthousiasme de nos enfants face à la nourriture. Donner envie de découvrir, faire conscientiser à l’enfant ce qu’est l’alimentation est primordiale. Cela consiste, par exemple, à lui expliquer que faire pousser des légumes prend du temps. Faire de la pédagogie auprès de l’enfant sur le sujet de l’alimentation pour qu’il s’en approprie le sens, lui donne son choix de personne libre. L’enfant peut de lui-même refuser la viande, ou pas. Au-delà du tri et de la limitation des déchets, il peut vouloir spontanément ramasser les déchets sur la plage.
Cette conscience pure et spontanée de l’enfant s’ancre durablement. C’est enthousiasmant en tant que parent, car on peut en profiter pour se remettre soi-même en mouvement. Chaque pas se fait avec bonheur comme il impacte la conscience de l’enfant.
En quoi votre bonheur passe par l’écologie aujourd’hui ?
Pour moi, l’écologie redonne du sens au fait d’être humain. Je suis heureux car j’ai repris le contrôle de ma vie. En travaillant comme journaliste sur ces sujets depuis 2013, j’ai eu ma première prise de conscience en 2016 à l’occasion de l’écriture de mon 1er guide pratique pour réussir sa transition écologique “Changer d’ère, l’air de rien” paru en 2018 aux Éditions Rue de l’échiquier, pour lequel j’ai été mon propre cobaye.
L’écologie permet de s’ancrer dans son espèce, en prenant conscience que la vie est fragile et l’égo dérisoire. La vie est imparfaite, sur un fil en permanence. L’écologie démontre que l’on peut l’aborder en essayant d’”être” et non d’”avoir” au-delà des limites.
Pour mon premier livre, j’ai exploré les liens entre le bonheur, la bonne santé et la qualité de nos relations humaines. Cette vision du bonheur s’accentue en devenant papa. Être parent, c’est ne plus vivre que pour soi-même mais pour sa famille. Faire grandir un enfant, c’est magnifique. Tout le reste est dérisoire ! Ça donne énormément d’énergie pour mettre en marche la transition écologique.
10 jours après la Journée Mondiale du Climat, qu’est-ce qui vous rend optimiste pour le futur ?
Même si c’est une goutte d’eau dans l’océan, je participe au travail de vulgarisation de la transition écologique auprès du grand public. Cette mobilisation éditoriale commence à porter ses fruits. Les éditeurs, les médias et les producteurs sont des “accélérateurs de particules” sur ces sujets. L’urgence écologique entre au premier plan. Le climato-scepticisme, lui, commence à être derrière nous. Cette crise du covid-19 a accéléré les prises de conscience. C’est le premier effondrement collectif, qui a bousculé les habitudes de toute une population, en pointant du doigt sur la fragilité de notre monde actuel. Cette crise pandémique mondiale est un accélérateur de prise de conscience de l’intérêt de l’écologie, la famille, des amitiés et de la bienveillance. C’est d’ailleurs le sujet de mon prochain livre !
Propos recueillis par Aurélie Brunet
Le livre Un bébé pour tout changer, 9 mois pour réussir sa transition écologique coécrit par Valère Corréard et Mathilde Golla est paru en septembre 2020 aux éditions Marabout.
Le livre Changer d’ère, l’air de rien : Le guide pratique pour réussir sa transition écrit par Valère Corréard est paru en 2018 aux Éditions Rue de l’échiquier.