“L’homme de paille” hilarant au Lucernaire à Paris !
Posté par Aurélie Brunet
Une pétillante comédie de jeunesse de Feydeau est proposée au théâtre du Lucernaire à Paris. La pièce dure un peu moins d’une heure, que l’on ne voit nullement passer. Un véritable Carnaval endiablé. Vous pouvez y faire un saut du mardi au samedi à 18h30, puis par exemple dîner entre amis dans le quartier de Montparnasse…
Politique, divorce, beauté des monuments parisiens et polygamie
Le réinventeur du Vaudeville a écrit à 23 ans cette pièce, restée inédite. Suite à une annonce parue dans le journal, deux hommes se présentent au domicile présumé de la Chef du parti socialiste, “Citoyenne Marie”, pour l’épouser. Marie est en quête d’un “homme de paille” pour un mariage arrangé en vue des prochaines élections, étant prévu que son futur mari prenne la présidence du “Parti Radical-Libéral-Social”. La porte est ouverte, la fameuse Marie n’est pas là. Deux hommes, attirés par cette aventure, se retrouvent face à face. L’un prend l’autre pour La Citoyenne, connue pour sa forte laideur, et réciproquement… Assez vite, Farlane et Salmèque se détestent. Mais appâtés par le pouvoir, ils entament une danse de séduction hilarante, où ils partagent tout leur dégout avec le spectateur dans des apartés à pleurer de rire. L’appât du pouvoir les poussent à engager cette tentative de séduction l’un envers l’autre, exposant au public des projets politiques ambitieux et fumeux, telle la légalisation de la polygamie pour éviter les “divorces aux torts du mari volage”, et les “meurtres passionnels”.
Une pièce résolument moderne, écrite il y a 130 ans !
Le jeune metteur en scène Benjamin Moreau, a choisi d’adapter cet opéra-bouffe peu connu de Feydeau, écrit en 1884 soit l’année du vote de la loi Naquet, qui rétablira le droit au divorce. “Quand je pense que j’aurais pu devenir votre époux”, s’exclame Farlane lorsqu’il découvre le pot aux roses. Salmèque lui répond : “sapristi, quelle affaire ! Et vous qui ne vouliez pas du divorce !” …Le visionnaire Feydeau avait ainsi imaginé un mariage entre deux personnes du même sexe ! Le débat de société autour du mariage pour tous ne date pas d’hier…
Benjamin Moreau joue dans un mélange de finesse et de burlesque revendiqué, avec la féminité des deux acteurs. Il manie avec précision les vices intemporels de l’être humain : l’avarie, la cupidité, l’envie d’avoir de plus en plus de pouvoir. Les deux personnages, à l’opposé, sont campés précieusement par les deux acteurs, dont le jeu de scène fonctionne à merveille chaque seconde. La pièce adopte un rythme infernal, tandis que l’histoire se déroule, dans les quiproquos les plus cocasses. Le théâtre a cela de génial que l’on peut faire faire n’importe quoi aux acteurs tant que l’on reste dans la justesse du ton, et que cela serve l’histoire… C’est ici très réussi !
Les deux acteurs se donnent à 200 % dans leurs rôles, avec dynamisme et conviction. Servi par de si bons acteurs dans une mise en scène efficace, l’art de Feydeau atteint son but avec une facilité déconcertante. Le spectateur est immergé dans cette histoire loufoque du début à la fin, à laquelle il croit malgré l’énormité de la blague. Il se dégage de cette pièce une modernité déconcertante dans son traitement des relations homme femme, et des travers de son époque. Ah Feydeau en 2015, qu’est-ce qu’il nous fait rire !
Un bijou facile d’accès, qui apporte une fraicheur inattendue
Cette pièce finalement assez courte, est très appréciée du jeune public. Elle est facilement compréhensible par le spectateur, qui suit aisément le déroulement de l’histoire. Les acteurs Frédéric le Sacripan et Bruno Blairet incarnent avec un grand talent ces deux personnages ridicules, et ne reculent devant rien pour amuser le public, qui ne s’arrête de rire tant le jeux d’acteur est efficace ! Vous l’aurez compris, une gaieté féconde se dégage de cette pièce, à la mécanique parfaitement maîtrisée. Ici à la critiquerie, on vous conseille “L’homme de paille” pour bien démarrer votre soirée dans la détente, et la bonne humeur !
Cet article a été publié le 28/03/2015 dans le webzine LaCritiquerie.