“Juste la fin du monde”, la famille logorrhéique selon Lagarce

C’est au Petit Louvre à Avignon, que nous allons à la rencontre de ce spectacle et surtout de son auteur, le décédé Jean-Luc Lagarce. Cette pièce, comme le film de Xavier Nolan, on la déteste ou on l’adore. Le vomi émotionnel de Lagarce choque comme il tâche, et parfois amuse.

"Juste la fin du monde", la famille logorrheique selon Lagarce

“Juste la fin du monde”, la famille logorrhéique selon Lagarce

Où le retour du fils prodigue tourne au vinaigre couvert d’arsenic

” L’histoire d’un jeune homme d’une trentaine d’années, de retour chez lui, dans sa famille, après de longues années d’absence, « pour annoncer, dire, seulement dire » sa mort prochaine.”

En réalité, rien ne se passe comme prévu pour Louis. Il y a de l’émotion, c’est sûr, mais chacun vomit sa rancœur, et justifie sa blessure d’Amour. Personne n’écoute ses silences. Tout le monde lui tombe dessous à coup de mots, virgules et points d’exclamations. Dans cette famille, on parle beaucoup sans ne rien dire. L’essentiel est soigneusement contourné. Pourquoi ce jeune homme a-t-il coupé les ponts avec sa famille pendant si longtemps ? Dans le film de Xavier Nolan, on obtient des bouts d’explications bienvenus. L’homosexualité du jeune homme et le rejet de son frère, brutal. Le personnage de Louis est fait d’une douceur qui n’accepte pas les compromis. Il est de la même chair que sa famille, mais dans ce non-dit familial, c’est comme s’il était déjà mort. On ne lui demande jamais comment il va. Pire, on le culpabilise de sa réussite professionnelle. Sa délicatesse est aux antipodes de la dureté dans cette famille patriarcale, famille qui n’en porte que le mot. Dans le public, on gigote sur sa chaise, certains se sentent mal-à-l’aise puisque ce sujet universel fait écho en chacun d’entre nous. Evidemment le public est saoul de tous ces mots qui, mis bout à bout, dessinent les contours acerbes d’une névrose familial bien ancrée. Le spectacle est aussi drôle pour celui qui comprend au-delà des mots, des gestes, et cette foutue (quasi) absence de silences. Le tableau des émotions dramatiques est complet. Certains spectateurs seront gagnés par l’ennui, mais peut-être devraient-ils s’interroger sur leur propre mythe familial et la réminiscence de leurs émotions intérieures ? Le jeu des acteurs efficace, s’agite dans un décor fait de tables en cascade bien pensé. On aurait cependant préféré que le personnage de Louis sorte de son mutisme, pour apporter une clé de compréhension dans cette famille dysfonctionnelle. Ce qui aurait déplacé l’énergie dans le public et éclairé notre lanterne.

Interprète(s) : Vanessa Cailhol, Philippe Calvario, Jil Caplan, Jean-Charles Mouveaux, Chantal Trichet, Esther Ebbo

Metteur en scène : Jean-Charles Mouveaux, assisté de Esther Ebbo

Scénographie : Raymond Sarti

Costumes : Michel Dussarrat

Lumière : Ivan Morane

Régie : Marc Augustin-Viguier

Informations pratiques : “Juste la fin du monde” se joue au Petit Louvre à Avignon, dans la chapelle des Templiers, tous les jours à 19h35 jusqu’au 30 juillet (relâches les 11, 18, 25 juillet). Le Petit Louvre, une institution qui se situe 3 Rue Félix Gras à Avignon.

Cet article a été publié pour la première fois le 23/07/2017 dans le webzine LaCritiquerie.

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