Ici le pari est plus que réussi de tisser la toile du suspens et de l’émotion, avec une fin que nous connaissons pourtant tous d’avance. Encore une fois, William Mesguich nous éblouit de sa puissance et de sa justesse, alors que son visage se décompose dans ce tourbillon rythmé de mots universels.
Le texte de Hugo, chantant, oscille entre la nostalgie pour la douceur de la vie, la dureté de cette horrible guillotine et la folie qu’elle engendre. Quelle terrible réalité que de se faire couper la tête sur une place publique ! Le temps du condamné n’a plus la même saveur que le notre. Dès les premières minutes, William Mesguich nous offre une interprétation brillante, rafraichissante. Jamais écrasante. Son visage, et surtout ses yeux, se transfigure sur le fil de l’angoisse de la tête coupée. Dans une maitrise du rythme et du silence éblouissante, le comédien nappe ce texte de toutes ses qualités humaines. Le travail minutieux des lumières et de la musique, apporte un nouveau rythme et une dimension inconnue à ce texte. La petite cellule de prison se pare de bleu fluo et bientôt le condamné à mort fait un pas de côté. Il trouve l’encre et le papier. Et respire. Sa mort ne sera pas tout à fait veine. Il va utiliser le temps qui lui reste pour témoigner de ce que sont les derniers jours d’un condamné à mort. Son angoisse, avide de vie, coupe régulièrement son souffle, et inversement. La folie prend ses quartiers.
Très moderne et efficace, la création musicale du spectacle intègre en deuxième partie les notes plus douces d’Eric Satie & Cie. Les lumières vives nous transportent directement au sein du cerveau du condamné à mort. En fermant les yeux, on se croirait tout à fait en prison. Le bleu fluo investit le carré de la cellule, qui se détache jusqu’à s’effacer totalement. Dans les yeux de William Mesguich, c’est l’angoisse, la folie méchante et la vie qui s’agitent dans une danse macabre. Le journal de ses souffrances l’éloigne de sa mort “appelée par la balance de la justice”. Il nous offre “l’intelligence de l’homme qu’ils retranchent.” Transporté à la prison de la Conciergerie, le ciel est projeté sur la cellule du condamné, dont le corps git de noir vêtu, remué de spasmes musculaires.
Nos poils se hérissent, la pluie tombe et dans le silence recueilli des spectateurs, la mort fait son entrée. La tête tombe. Cette création nous coupe aussi le souffle. C’est un incontournable de cette rentrée du Spectacle Vivant.
Cette publication fût enfin signée par Victor Hugo en 1829, 152 ans avant la fin officielle de la peine de mort en France. Au départ, Victor Hugo ne signe pas son texte. Il préfère faire croire que ce texte a été “trouvé”, l’histoire serait donc “vraie”. En 1829, Victor Hugo avoue hautement que “le Dernier Jour d’un condamné n’est autre chose qu’un plaidoyer, direct ou indirect, (…) pour l’abolition de la peine de mort”. Un texte touchant, écrit simplement pour mieux toucher tous les pans de la population française d’hier et d’aujourd’hui.
D’après : Victor Hugo
Adaptation de : David Lesné
Comédien : William Mesguich
Mise en scène : François Bourcier
Informations pratiques : ” Le dernier jour d’un condamné ” se joue au Studio Hébertot du 29 août au 4 novembre 2017, 78 bis Boulevard des Batignolles dans le dix-septième arrondissement de Paris. Programmation du mardi au samedi à 19h, et les dimanches à 17h. Une salle très confortable et agréable.
Crédit photo : Chantale Dupagne
Cet article a été diffusé la première fois le 31/08/2017 dans le webzine LaCritiquerie.
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